Discours prononcé en l'Hôtel des Invalides le 16 septembre 2009 à l'occasion de la remise, par Jacques Chirac, Président de la République, de la distinction de Commandeur de l'Ordre du Mérite à Béatrice de Andia, Chevalier des Palmes Académiques et Officier de la Légion d'Honneur.
Née en 1933, Béatrice de Andia fut élevée près de Paris dans une délicieuse Folie du XVIIIème siècle entourée d'un jardin anglo-chinois comprenant un jardin bleu, un jardin jaune, un jardin japonais, un verger, un théâtre de verdure, de hautes futaies, des cours d'eau, des petits ponts et des miroirs d'eau parsemés de nénuphars. Elle y fut initiée à l'univers des amateurs de jardins européens et d'Amérique du Nord par son oncle et parrain, Hélie de Talleyrand Périgord, Duc de Talleyrand, Sagan et Dino.
Après son Doctorat de Droit à Madrid, elle est reçue Docteur en Droit à Paris. Diplomée en Sciences Politiques et en Sciences Economiques, Béatrice de Andia achève sa formation académique avec un Diplôme d'Etudes Supérieures en Histoire de l'Art à l'université Paris IV-Sorbonne. A l'issue de sa formation académique, elle parcourt le monde et découvre, entre autres trésors, les plus beaux jardins de la planète.
En 1961, elle commença ses périples aventureux, sillonnant pendant 18 mois en 2CV Citroën, les jardins de la Corne d'Or à Istanbul, du pavillon des 40 colonnes à Ispahan, de Shalimar à Lahore, du Taj Mahal en Inde, de Kandy à Ceylan, etc. En près de 15 ans, Béatrice de Andia visite les jardins de 153 pays du monde dont les merveilles de l'Iran, du Japon, de la Chine et des deux Amériques, des jardins nordiques ou tropicaux, des jardins méditerranéens ou désertiques, des jardins d'ornement ou sauvages.
De retour à Paris, Béatrice de Andia rejoint la toute jeune équipe municipale de la capitale et prend la tête de l'Action Artistique de la Ville de Paris qu'elle fonde. Là, pendant 30 ans, elle organise 430 expositions et dirige 230 livres de référence sur l'histoire de Paris ; à la fois l'histoire de ses habitants, de ses pierres mais aussi de son végétal. Béatrice de Andia fut ainsi amenée à étudier et présenter les jardins de la capitale depuis les règnes de Saint Louis, avec
le jardin situé à la pointe Ouest de l'Île de la Cité, et de Charles V, avec le jardin implanté au Nord de la forteresse du Louvre, jusqu'à la Renaissance avec le Jardin des Tuileries aménagé par Catherine de Médicis et du Luxembourg aménagé par Marie de Médicis, du Grand Siècle avec les Champs Elysées, - oeuvre de Le Nôtre -, et du Siècle des Lumières avec les jardins de Monceau, Bagatelle et du Palais Royal. Elle s'est longuement penchée sur le dessin des parcs imaginés par Napoléon III et Haussmann - les Buttes Chaumont et Montsouris - et ceux créés par le premier maire de Paris du XXème siècle, Jacques Chirac : Bercy à l'Est et André Citroën à l'Ouest de la capitale.
Passionnée par le jardin et devenue experte en la matière, elle décide de donner une nouvelle vie à la Chatonnière, propriété que lui transmet son père en 1986. Elle transforme ce petit domaine agricole en une ode aux jardins, dont l'art est à la confluence de l'architecture, de la sculpture, de la peinture et de la botanique. Un art qui de toute évidence ne peut que se développer avec l'accroissement des villes et l'invasion de l'asphalte, qui ne peut que rayonner en Touraine, Jardin de la France.
Grâce à l'appui de son voisin et ami, Robert Carvallo, propriétaire du château de Villandry, Béatrice de Andia put trouver un appui technique et un jardinier qui exécuta fidèlement ses plans et qui en saisit l'esprit : à 8km de Villandry, elle voulait un jardin sensuel, charmant et féminin, tout ce que Villandry n'était pas!
Béatrice de Andia rêvait de jardins d'ornement blottis autour du château et des jardins sauvages répandus sur les cimes du vallon. Elle imaginait des jardins en terrasses, étagés sur les flancs des collines, créant des perspectives multiples, des points de vue, des surprises !
Elle dessina des jardins alliant la luxuriance des Anglais, l'ordre des Français, la fantaisie des Italiens, la grâce de l'Orient, le recueillement des mystiques.
Béatrice de Andia conçut des jardins poétiques où se cache sous une végétation parfumée - comme sur le Croissant des Fragrances - une pensée savante, une pensée poétique qui chante comme un sonnet, rime comme une ballade se jouant des noms des jardins : jardins de l'Elegance, du Silence, de la Danse, des Luxuriances ...
Elle créa des jardins secrets, multiples, différents, tantôt carrés, ronds ou triangulaires, tantôt bleus de lavande, blancs de dahlias ou rouge comme les coquelicots répandus sur six hectares.
Elle donna vie, enfin, à des jardins figuratifs tels le jardin de l'Abondance en forme de feuille, des jardins initiatiques comme le jardin des Romances - avec ses 30 chambres d'amour, son anneau magique et son labyrinthe, reflet des différentes facettes de la passion - des jardins emblématiques tel que le jardin de la France, bleu de bleuets, blanc de marguerites et rouge de coquelicots à perte de vue.
Les poètes voyant la femme telle une fleur, Béatrice de Andia fit de son jardin un paradis de fleurs. Ode à la féminité et à l'élégance, la Chatonnière est ainsi devenue, sous son impulsion renouvelée par les compliments de ses 20 000 visiteurs annuels, un véritable joyau de fleurs, un océan de fleurs, un paradis de fleurs...
Béatrice de Andia dans le jardin mythique de Shalimar, à Lahore (construit par le Grand Monghol Jahangir qui fit de l'Inde un des haut lieux de la civilisation et de l'art des jardins), dans les années 1960.